Le Musée des Beaux-Arts de Charleroi : entre passé et renouveau

05/10/2025
Au cœur de Charleroi, le Musée des Beaux-Arts déploie ses collections dans les anciennes écuries Defeld, un bâtiment de 1887 entièrement restauré et rouvert en 2022. Ce lieu, à la fois patrimonial et résolument contemporain, marque une nouvelle étape dans l'histoire culturelle de la ville. L'architecture, pensée autour de la lumière et de la pierre, allie sobriété et ouverture. Les volumes clairs, les voûtes de brique et la pierre bleue offrent un cadre qui met les œuvres en valeur tout en préservant la mémoire du lieu. Ici, la lumière n'est pas qu'un élément technique : elle accompagne le visiteur, guide le regard, donne souffle et cohérence à l'ensemble.
L'histoire du musée remonte à la fin du XIXᵉ siècle. Sous l'impulsion de Jules Destrée, homme de culture et visionnaire, Charleroi se dote d'une première collection publique. Le projet repose sur une idée simple et forte : offrir à une ville façonnée par le charbon et l'industrie un espace où la création puisse dialoguer avec son passé. Après plusieurs décennies d'itinérance, les collections trouvent enfin leur ancrage définitif au cœur de la cité, dans un lieu à la fois chargé d'histoire et tourné vers l'avenir.
Aujourd'hui, le Musée des Beaux-Arts de Charleroi conserve près de 5 000 œuvres, couvrant un large panorama de l'art belge du XIXᵉ siècle à nos jours. La scénographie, fluide et claire, met en valeur le dialogue entre les époques et les sensibilités. Chaque salle s'ouvre comme un nouveau chapitre, permettant au visiteur de parcourir un récit visuel où la mémoire industrielle côtoie la création contemporaine. L'ensemble reflète l'identité de Charleroi : une ville en mouvement, fière de son passé et résolument ancrée dans la modernité.
Les artistes carolos y occupent une place centrale ; parmi eux, François-Joseph Navez (1787–1869), né à Charleroi et élève de Jacques-Louis David, incarne la rigueur et la clarté du néoclassicisme. Son œuvre marque les débuts d'un regard artistique local, à la fois savant et sensible. Pierre Paulus (1881–1959), originaire de Châtelet, prolonge cette filiation en donnant au monde ouvrier une force expressive et une dignité rare. Ses paysages industriels, puissants et habités, traduisent l'âme d'une région en pleine transformation. Plus près de nous, Johan Muyle (né à Charleroi en 1956), figure majeure de la scène contemporaine, poursuit ce dialogue entre passé et présent. Ses œuvres, souvent animées et engagées, interrogent la société actuelle avec une poésie lucide et critique.
Les collections consacrées à l'histoire industrielle constituent un axe fort du musée. Elles rappellent que Charleroi fut d'abord une ville du travail, nourrie par la mine, la sidérurgie et le verre. Ces œuvres, signées Constantin Meunier et d'autres artistes, racontent la vie quotidienne des mineurs, des ouvrières, des métallurgistes. Elles témoignent de la dignité et de la force de ceux qui ont bâti la ville. Chez Meunier, le travail devient symbole d'humanité et de fierté collective. Dans ses figures puissantes et sobres, c'est tout un monde disparu qui continue de vibrer.
Le musée accorde également une place affirmée au surréalisme, mouvement majeur de l'art belge, magnifié par René Magritte (1898–1967). Profondément marqué par la perte de sa mère dans son adolescence, l'artiste développe une peinture où mystère et poésie se mêlent à une réflexion sur la réalité. Sa présence, aux côtés de Paul Delvaux, illustre la volonté du Musée des Beaux-Arts comme lieu de découverte et de célébration du patrimoine artistique belge.
Plus qu'un lieu d'exposition, le Musée des Beaux-Arts de Charleroi est un espace de vie et de transmission. Il invite à la découverte et au dialogue. Entre mémoire et renouveau, il relie le souffle du passé industriel à la vitalité créative d'aujourd'hui. À travers ses murs baignés de lumière, c'est toute la ville qui se raconte et se réinvente : Charleroi, fidèle à son histoire, tournée vers l'avenir et portée par la force de l'art.